
Jacques Moisan
Pour Jacques Moisan, la confrontation avec la matière est primordiale dans son processus créatif. Le bois est à la fois la source, l’objet et le médium de ses tableaux : source par son énergie vitale qui suscite l’inspiration, objet car son mystère interpelle, médium car il se donne à voir.
Jacques Moisan suit un itinéraire singulier avec le bois.
Après deux années aux Beaux-Arts de Rennes, il s'oriente vers l'ébénisterie. Après son CAP d'ébéniste, il perfectionne sa formation professionnelle chez les Compagnons du Devoir, où il découvre la marqueterie qui est davantage dédiée aux métiers d'art ; il voit tout de suite dans cette technique le moyen de développer une expression artistique originale.
De retour en Bretagne en 1986, il monte son entreprise de création de meubles. Très vite les premiers tableaux de marqueterie s’invitent à l’atelier pour devenir, en quelques années, l'activité principale. Un nouveau regard sur la matière lui fait découvrir toutes ses qualités expressives : couleurs, profondeur, lumière, mouvement... Ses premières œuvres sont figuratives, principalement des marines exposées lors de nombreuses manifestations maritimes en Bretagne. Il trouve aujourd'hui dans l'abstraction une expression plus ouverte et plus proche de la matière.
Démarche
Les créations de Jacques Moisan naissent d’une confrontation directe avec la matière. Au fil des années et des bois observés et intériorisés, une intime complicité s'est progressivement établie.
La marqueterie consiste à créer un motif à partir de fines feuilles de bois de différentes essences, ou d’autres matières, plaquées sur un support. N’ayant pas reçu de formation spécifique, Jacques Moisan a développé ses propres approches de la technique et de la matière. Le contact direct avec l’élément naturel est pour lui essentiel : il crée avec les bois en mains et il “pense bois“.
L’abstraction à laquelle il a été conduit émane d’une nécessité intérieure : un espace de création immensément ouvert autant qu’indéfini et périlleux, guidé par la volonté de faire face au mystère de la matière : son existence, son origine, sa force vitale. Jacques Moisan essaie de capter cette énergie contenue pour lui donner l’élan de sa propre inspiration.
Le travail se fait au sol. Il déchire les feuilles, les casse, les dispose en cherchant le bon accord, la composition dynamique qui guidera le regard. La spontanéité du geste, l’inattendu participent à la création. Paradoxalement, l’œuvre doit s’émanciper de la matière tout en la magnifiant, elle doit la dépasser sans la nier. Il faut donc “déstructurer“ le matériau pour l’utiliser comme un simple médium graphique, mais qui a déjà ses propres contraintes et caractéristiques. Deux acteurs sont en dialogue, en tension et revendiquent chacun d’être l’auteur de l’œuvre.
L’équilibre est fragile et interroge : ce qui est visible aurait-il son origine au-delà de son apparence ? La matière ainsi transcendée nous révèle-t-elle les dimensions et le mystère de notre propre existence ? Mené au désert, l’esprit se simplifie. Deux bois choisis suffisent parfois pour aller à l’essentiel – Essence-Ciel ?